Résumés

Le rythme dans la peau
LUNDI 16 MARS, 19h00

  

Les rythmes cérébraux ou les vagues de l'esprit
Nos rythmes journaliers: Une horloge dans chaque cellule
Les neurones qui composent notre cerveau ont la caractéristique de s'organiser en populations fonctionnelles distinctes traitant différents aspects de la réalité pour élaborer des perceptions et des représentations complexes. L'activité de ces populations neuronales peut être mesurée grâce à différentes méthodes qui permettent d'étudier les rythmes cérébraux. Comment des activités localisées dans différentes régions cérébrales peuvent-elles être liées de manière transitoire afin de permettre l'émergence de phénomènes et comportements complexes tels que ceux observés lors des épisodes émotionnels ? Cette question est au centre de nombreuses recherches en psychologie et neurosciences affectives et permet de mieux comprendre les liens entre cerveau et esprit.
Quasiment tous les processus physiologiques chez les mammifères, y compris chez l’homme, oscillent de façon journalière. Par exemple, les battements du cœur, la pression sanguine, le métabolisme, la production d’urine par les reins, la température corporelle, et même l’acuité des sens visuels et olfactifs, sont sujet à des fluctuations quotidiennes. Ces rythmes sont coordonnés par le système circadien, composé de milliards d’horloges cellulaires. L’oscillateur central, situé dans le noyau suprachiasmatique du cerveau, est synchronisé par les cycles de lumière-obscurité dues à la rotation de la Terre. Cette horloge principale détermine ensuite les rythmes des oscillateurs périphériques qui sont opératifs dans quasiment chaque cellule de notre corps. En étudiant l’expression des gènes de l’horloge dans les organes périphériques comme le foie in vivo, nous avons montré que les rythmes de prise de nourriture, de certaines hormones, et de la température corporelle sont tous des signaux qui mettent les horloges de nos organes à l’heure. Ce qui explique pourquoi, après un long voyage à travers plusieurs zones temporelles, nous ne souffrons pas seulement d’une perturbation du sommeil, mais également d’un «jet-lag» au niveau des organes périphériques comme le foie et les reins.
Les rythmes des neurones entre veille et sommeil
Le sommeil est un comportement complexe avec des changements drastiques de la quasi-totalité des fonctions biologiques. Chez les mammifères (ainsi que chez les oiseaux), le sommeil est étudié essentiellement par l’enregistrement de l’activité électrique cérébrale. Ainsi, le sommeil lent (de 75% à 80% du sommeil) est caractérisé par une activité électroencéphalographique lente due au fait que les neurones du cortex déchargent et deviennent silencieux en même temps (de façon synchronisée). Il n’est pas clair si le sommeil est une propriété globale du cerveau ou s’il peut se manifester au niveau des réseaux neuronaux beaucoup plus limités. Récemment, nous avons étudié l’activité électrique spontanée de cultures (in vitro) de neurones corticaux de la souris. Après environ 10 jours, ces cultures développent une activité synchronisée très semblable aux rythmes lents du sommeil. Si les cultures ne sont pas perturbées, cette activité continue indéfiniment. Mais si les cultures sont excitées par des neurotransmetteurs de l’éveil, elles changent leur activité qui devient alors semblable à l’éveil. Toutefois, les cultures retournent à une activité synchronisée 12 à 24 heures après stimulation. Nous avons conclu qu’une activité semblable au sommeil peut être observée in vitro et que cette activité (sommeil) est en fait l’activité par défaut de tous réseaux neuronaux non perturbés. De plus, ces deux états d’activité (sommeil-éveil) in vitro sont accompagnés par des changements d’expression génique semblables à ceux trouvés dans le cerveau entier lorsque les souris dorment ou sont gardées éveillées.
Tout en contrôle
MARDI 17 MARS, 19H00

  

Le mouvement imaginé
Cartographie des circuits neuronaux du mouvement
L’imagerie motrice consiste à se représenter mentalement une action à partir de différentes modalités sensorielles, sans production d’activité musculaire concomitante. Outre ses bénéfices sur la motivation et la confiance en soi, il est désormais bien établi que la pratique mentale améliore la performance motrice, l’apprentissage du mouvement et la mémoire procédurale ; bien que ses bénéfices sont généralement moindres que ceux observés lorsqu’elle est associée à la pratique physique. Les similitudes fonctionnelles et structurales entre la pratique mentale et physique ont été validées par de nombreux travaux scientifiques qui reposent sur des paradigmes expérimentaux variés, basés sur des techniques de chronométrie mentale, de recueil d’indices physiologiques et d’imagerie cérébrale. A partir de ces éléments de preuve, la pratique mentale est désormais de plus en plus fréquemment utilisée par les sportifs à l’entraînement, en compétition ou encore pendant les soins thérapeutiques, afin de poursuivre diverses finalités centrées sur la performance, le bien-être et le recouvrement des fonctions motrices.
Comment est-ce que les différentes régions s’organisent-elles pour planifier et activer un mouvement volontaire ? La réponse à cette question reste une grande énigme. Pour arriver à clarifier le rôle de chacun des circuits impliqués, il faut des moyens techniques qui permettent de suivre l’activité de milliers de neurones individuels dans un sujet en pleine action. Ceci est actuellement difficilement imaginable chez l’humain, mais c’est devenu récemment possible chez la souris, qui grâce à la petite taille de son cerveau, permet l’utilisation de la microscopie bi-photonique. Cette technique facilite l’observation de régions entières avec une résolution cellulaire jusqu’à une profondeur de quelques millimètres. Cette approche optique devrait permettre, à long terme, d’établir une sorte de cartographie du cerveau en identifiant les circuits clefs, ainsi que les principes de leurs interactions respectives. Ces données seront certainement très précieuses pour le développement de nouvelles  neuroprothèses plus performant.
L'apprentissage du mouvement
Alors que les ordinateurs modernes sont capables de battre les meilleurs humains aux échecs, au backgammon ou à certains jeux de culture générale, il n'existe pas à l'heure actuelle de robot qui puisse rivaliser avec Lionel Messi sur un terrain de football ni d'ailleurs avec un enfant de 5 ans! Ceci est l'illustration d'un fait peu connu: le contrôle et l'apprentissage du mouvement sont peut-être les problèmes les plus compliqués que le cerveau ait à résoudre. Les solutions adoptées par le système nerveux sont souvent contre-intuitives. Ainsi, lorsque nous apprenons un mouvement, la variabilité des trajectoires tend à augmenter au cours de l'apprentissage alors que l'intuition amènerait plutôt à penser que la variabilité devrait diminuer. De récentes théories peuvent expliquer ce paradoxe en montrant que l'accroissement de la variabilité conduit à des mouvements plus précis tout en minimisant l'effort. Ce principe général est au cœur du développement des dernières générations de robots.
Quand le mouvement déraille
MERCREDI 18 MARS, 19h00

  

La main qui bouge toute seule ou fenêtre vers la conscience motrice
Tics et TOCs : quand la répétition devient routine…
Réponse à un but intentionnel ou à un stimulus externe, le mouvement est intimement lié à l’action et dépend d'un vaste réseau cortical et sous-cortical allant bien au-delà du cortex moteur. Qu’en est-il dans la pathologie du mouvement ? Que nous apporte l’étude de la phénoménologie en neurologie en particulier celle des tremblements, des dyskinésies, de la chorée ou encore du rare syndrome de la main étrangère ? A travers quelques exemples, nous tenterons de montrer que la pathologie du mouvement nous permet de mieux appréhender les rapports entre le volontaire, le « non-volontaire », et ses bases cérébrales.
Le mouvement est un comportement associant un acte moteur programmé et exécuté dans un contexte cognitif et émotionnel particulier. Des structures profondes du cerveau, les ganglions de la base, semblent jouer un rôle crucial dans cette intégration. Ces structures reçoivent des informations en provenance du cortex sur le mouvement, la cognition et l’émotion. Ces informations sont intégrées dans le système afin de produire un comportement dont les trois composantes, motrice, cognitive et émotionnelle, sont harmonisées. De par son organisation, le système des ganglions de la base permet l’apprentissage et la mémorisation de séquences comportementales, qui peuvent être ensuite exécutées comme des routines. Le fonctionnement des ganglions de la base souligne les liens étroits existant entre la pensée, les émotions, et les actes. Leurs dysfonctionnements semblent associés à un grand nombre de situations psychopathologiques. Ainsi, les tics dans le syndrome de Tourette et les troubles obsessionnels compulsifs (TOC) peuvent être vus comme un défaut de régulation de routines pouvant résulter d’anomalies de cablage entre le cortex et les ganglions de la base.
Comment expliquer la lenteur du patient parkinsonien ?
Le geste volontaire comprend de multiples composantes, depuis la motivation pour réaliser ce geste jusqu'à sa parfaite exécution. Le ralentissement de l'ensemble de ces composantes est la caractéristique cardinale de la symptomatologie parkinsonienne. Elle est liée au défect de la transmission dopaminergique dans les ganglions de la base, qui sont des amas de neurones situés en profondeur du cerveau. Ce ralentissement, souvent appelée akinésie, peut aller jusqu'à un blocage moteur complet empêchant toute réalisation de mouvements volontaires. Nous verrons comment cette akinésie, même au stade le plus sévère, peut paradoxalement disparaître grâce à des stimulations rythmiques audiovisuelles, à des facteurs émotionnels ou lors de certaines phases du sommeil. Cela permet d'envisager de nouvelles méthodes thérapeutiques.
Réveiller les fantômes du mouvement
JEUDI 19 MARS, 19h00

  

Les mouvements volontaires humains sont, par définition, consciemment voulu. Où dans le cerveau une telle expérience consciente se met en place est certainement une question scientifique fondamentale. Les régions pariétales et prémotrices sont des candidats sérieux pour la prise de conscience des mouvements intentionnels. Plusieurs études ont montré que les patients avec des lésions dans ces régions peuvent éprouver une conscience altérée. Par ailleurs ces régions sont également mise en jeu dans le cas des sensations fantômes douloureuses éprouvé par les sujets amputés et démontrent une grande plasticité suite à une allogreffe des mains. La compréhension des mécanismes implémentes dans ces régions semble être crucial pour la réhabilitation motrice.
La rythmique et ses vertus
VENDREDI 20 MARS, 19h00

  

L'émotion au cœur de la rythmique
Les vertus de la rythmique chez les séniors
L'activité motrice et artistique en lien avec la musique permettrait le développement des capacités à se situer dans l'espace et d'appréhender son corps dans sa totalité. Comment le schéma corporel ou la représentation de son corps sont-ils influencés par la pratique du geste musical ? Quels sont les mécanismes psychologiques et cérébraux sous-jacents ? Comment les émotions peuvent-elles modifier l'expérience corporelle lors de la rythmique ? Ces questions seront discutées dans une approche interdisciplinaire des sciences affectives et des neurosciences.
Face au retentissement humain et socio-économique des chutes, dans un contexte de population vieillissante, des stratégies de prévention efficaces doivent être développées. La «rythmique Jaques-Dalcroze», méthode d'éducation musicale développée à Genève au début du XXe siècle, engage le sujet âgé dans une forme nouvelle d'exercice physique. Favorisant un lien fort entre le mouvement et la musique, elle comprend des exercices multitâches exécutés au rythme d'une musique improvisée au piano. Elle sollicite l'équilibre et la marche, mais aussi la coordination, l'attention et la mémoire. Après près de 10 ans de recherche clinique chez les séniors, le bilan est plus que favorable. La rythmique réduit le risque de chute de 50% et améliore même les fonctions cérébrales. Poursuivie à long terme, elle semble prévenir le déclin fonctionnel et de mobilité lié à l'âge.